Affaire Abbé Pierre : action choc devant le diocèse de Grenoble

Vendredi 23 août, Mouv’Enfants a mené une action choc devant l’évêché de Grenoble. L’association exige que la justice poursuive le diocèse de Grenoble-Vienne pour non-dénonciation de crimes et délits commis par l’abbé Pierre. Le diocèse savait mais n’a rien fait.

Arnaud Gallais, cofondateur et président de Mouv’Enfants, ancien membre de la CIIVISE (Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants) était présent. Dans son discours, il a dénoncé le silence du diocèse, qui a dissimulé des informations concernant l’abbé Pierre.

En 1957, l’abbé Pierre avait passé 6 mois en clinique psychiatrique

L‘abbé Pierre avait débuté sa vie de prêtre au sein du diocèse de Grenoble-Vienne entre 1939 et 1944, et y était « incardiné » (c’est-à-dire qu’il dépendait de ce diocèse au regard du droit canon ; l’évêque de Grenoble était donc son supérieur hiérarchique).

À partir de décembre 1957, l’abbé Pierre avait été interné pendant six mois dans une clinique psychiatrique, à Prangins en Suisse. C’est l’évêque grenoblois d’alors, André-Jacques Fougerat, qui en avait donné l’ordre. Cette prétendue « cure de repos » était officieusement un moyen d’éloigner l’abbé Pierre des femmes.

Une accusation retrouvée « miraculeusement » dans les archives au lendemain de notre action ?

Au lendemain de l’action de Mouv’Enfants, l’actuel évêque de Grenoble, Jean-Marc Eychenne, a révélé au Dauphiné Libéré avoir retrouvé une lettre envoyée en 2005 au diocèse de Grenoble par les Capucins de France. Cette communauté, à laquelle l’abbé Pierre avait appartenu un temps, avait reçu la lettre d’une femme qui avait révélé avoir subi des gestes déplacés de la part du prêtre à son égard, lors d’une séance de dédicace à Namur, dont elle était partie la dernière. 1« Une lettre qui accuse l’abbé Pierre aux archives du diocèse de Grenoble », Ève Moulinier, Le Progrès, 27 août 2024 (édition papier)

Étonnamment, dimanche 25 août, le Dauphiné Libéré toujours citait Jean-Marc Eychenne en ces termes : « Après les révélations en juillet [suite à l’enquête interne à Emmaüs menée par le cabinet Égaé], on a évidemment cherché [dans les archives du diocèse des plaintes contre l’Abbé Pierre]. Je dois dire que nos archives sont un peu folkloriques, donc ce n’est pas facile. Je n’ai pas trouvé de plaintes, ni même le document dont il a été fait allusion dans la presse, sur une potentielle demande d’hospitalisation de l’abbé Pierre par un évêque de Grenoble. Peut-être ai-je mal cherché ? On va continuer de regarder. » 2« Violences sexuelles : l’abbé Pierre accusé par une lettre à Grenoble, en 1965 », Ève Moulinier, Le Dauphiné Libéré, 25 août 2024 (voir l’article dans un nouvel onglet) Tout cela n’est pas très cohérent, et dans tous les cas, il suffisait manifestement d’ouvrir le dossier au nom d’Henri Grouès pour trouver une plainte à son encontre.

Mouv’Enfants demande une enquête sur les responsabilités

Depuis la mi-juillet 2024, on découvre progressivement l’ampleur des agressions commises par l’abbé Pierre, Henri Grouès de son vrai nom. À ce jour, 18 accusations à son encontre ont été recensées.

Pour Arnaud Gallais, « Il est décédé. Mais il y a des personnes qui n’ont pas dénoncé, qui savaient. Pourquoi est-ce qu’on ne pourrait pas faire la lumière sur ce qui s’est réellement passé, quelle était la responsabilité des uns et des autres. Peut-être une responsabilité, aussi, systémique ? Peut-être une responsabilité d’une personne morale ? »

Plus de 330 000 victimes de pédocriminalité dans l’Église

Le président de Mouv’Enfants remet en perspective l’affaire « abbé Pierre » dans le cadre plus large de véritable crime de masse que représente la pédocriminalité dans l’Église. En effet, selon la CIASE (Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église), on peut estimer à 330 000 le nombre de victimes mineures de pédocriminalité dans l’Église de 1950 à 2020. 3Résumé du rapport de la CIASE (Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église), 5 octobre 2021, p.14 (nouvel onglet)

Ce crime de masse devrait être instruit par la justice, et non par l’Église elle-même. Comme le dit Arnaud Gallais, « nous ne sommes pas citoyens du Vatican, mais de la République française. » L’État français doit prendre ses responsabilités, et cesser de laisser à l’Église le soin de traiter les affaires de violences sexuelles survenant en son sein.