Le « sharenting » : quels sont les risques et comment protéger votre enfant ?

Scène du quotidien, anniversaire, vacances, rentrée des classes… Il est parfois tentant de partager une photo ou une vidéo de son enfant à ses proches ou sur les réseaux sociaux. C’est la pratique du sharenting – contraction de deux mots anglais sharing (partager) et parenting (parentalité). Et les français en sont adeptes avec 53 % des parents français qui ont déjà partagé sur les réseaux sociaux du contenu sur leurs enfants¹.

Pourtant, les dangers liés à cette pratique sont bien réels.

Quels sont les risques liés au sharenting ?

Les risques liés à cette pratique sont nombreux et il peut suffire d’une seule mauvaise utilisation pour mettre en danger votre enfant. En effet, on estime que 50% des photos publiées sur les forums pédopornographiques sont en effet des clichés pris par les parents et partagés publiquement sur leurs réseaux sociaux². Ils peuvent également s’en servir en les détournant pour créer de faux profils et les partager avec d’autres inconnus.

La diffusion de contenu sur internet peut aussi avoir un effet direct sur la sécurité de votre enfant. En effet, une photo ou une vidéo peut donner beaucoup d’indices à un pédocriminel sur les habitudes, les lieux côtoyés, et centres d’intérêt de votre enfant. Les métadonnées qui composent une image ou une vidéo peuvent être encore plus dangereuses. Elles ne sont pas toujours bien protégées et peuvent donner des informations très précises telles que la localisation GPS, la date et l’heure de l’enregistrement.

Il est également important de savoir que vous créez l’identité numérique de votre enfant à partir de la première publication, identité qui n’est malheureusement pas facile à effacer. Ainsi, selon une étude menée par l’agence britannique OPINIUM et publiée en 2018, les parents d’un enfant de 13 ans ont déjà publié en moyenne 1 300 photos de lui sur les réseaux sociaux. Publier une photo ou une vidéo de son enfant c’est aussi lui en retirer la possibilité de protéger son image et son identité et qui peut dans les cas les plus graves, peut mener à du cyberharcèlement que ce soit dans un cadre scolaire, ou bien plus tard dans un cadre professionnel.

Quels sont les droits de mes enfants ?

En 2018, l’entrée en application du RGPD a largement modifié le paysage juridique en introduisant pour la première fois, dans le droit européen de la protection des données, des dispositions spécifiques aux mineurs.

Aujourd’hui des mécanismes de protection des mineurs existent et se renforcent sous l’effet de certaines législations européennes et nationales. Vous pouvez retrouver les droits numériques détaillés sur le site de la CNIL.

Les enfants ont en effet des droits numériques sur leurs données, et en France, pour les mineurs, ce sont les parents (représentants légaux) qui exercent, en principe, les droits du mineur, et notamment :

  • Son droit d’accès, qui permet de connaître les données qu’un organisme détient sur le mineur ;
  • Son droit de rectification, c’est-à-dire le droit de demander la correction de certaines informations inexactes, obsolètes ou incomplètes à propos du mineur ;
  • Son droit à l’effacement, soit la possibilité de demander la suppression des données personnelles du mineur ;
  • Son droit d’opposition, qui permet de refuser que certaines données personnelles du mineur soient utilisées par un organisme pour un objectif précis.

En pratique, si les photos ou vidéos que vous avez publiées de vos enfants sur vos réseaux sociaux ont été utilisées sans votre accord, vous pourrez exercer ces droits, au nom de votre enfant, et notamment son droit à l’effacement. Le réseau social en question sera dans l’obligation de supprimer le contenu dans les meilleurs délais. En cas d’absence de réponse ou d’action, vous pouvez porter plainte auprès de la CNIL ou contacter directement les services de police si l’intégrité ou la sécurité de votre enfant sont en danger.

Les enfants peuvent aussi exercer leurs droits, et porter plainte contre leurs parents s’ils estiment que leurs droits sont bafoués.

Comment protéger mon enfant ?

D’une manière générale, la CNIL déconseille fortement de partager des photos ou des vidéos de vos enfants sur les réseaux sociaux. Vous souhaitez tout de même continuer de pouvoir partager les moments importants de la vie de votre enfant à vos proches ? Voici les bonnes pratiques :

  • Limiter la portée de vos publications en mettant votre profil en privé afin d’éviter qu’une photo de votre enfant ne tombe entre de mauvaises mains ;
  • Privilégier l’échange de photos et vidéos par messagerie instantanée ;
  • Faire de la pédagogie à vos proches afin qu’ils ne partagent pas publiquement ou avec d’autres « amis » les photos que vous leur auriez confiées ;
  • Demander l’accord de l’enfant et de l’autre parent. Plusieurs décisions de justice établissent clairement que diffuser des photographies de ses enfants, notamment sur les réseaux sociaux, est un acte non habituel qui nécessite l’accord des deux parents.
  • Ne pas accepter les demandes d’abonnement de personnes que vous ne connaissez pas et ne pas hésiter à faire régulièrement un tri dans vos abonnés ;
  • Éviter certaines photos et vidéos, situations non propices qui montrent l’intimité de l’enfant et notamment des photos de votre enfant dénudé ou en maillot de bain ;
  • Cacher le visage de votre enfant en le prenant en photo de dos ou bien en ajoutant un émoticône sur son visage avant la publication ;

Pour plus d’informations sur la configuration des paramètres selon les différents réseaux sociaux, rendez-vous sur le site de la CNIL qui vous expliquera les étapes, pas à pas, pour sécuriser votre pratique.

Gabrielle Beilleau


* Biblio

1. Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique (OPEN)-POTLOC, 20232. National Center for Missing and Exploited Children, 2020