Pourquoi est-il indispensable de protéger le signalement des médecins qui dépistent et suspectent toutes formes de violences à l’encontre d’un mineur ? On vous explique.
Aujourd’hui des médecins sont encore l’objet de poursuites disciplinaires, administratives, civiles, pénales, après avoir dépisté, puis signalé ou alerté les autorités judiciaires de suspicions de violences sexuelles à l’encontre de leurs patients, des enfants. Cette situation qui perdure depuis 25 ans, a encore pour effet de contester la véracité des révélations d’enfants confiées à leur médecin et le droit pour un parent, majoritairement des mères, de consulter un médecin et de souhaiter la protection de leur enfant. Un certain nombre de ces poursuites sont encore suivies de sanctions disciplinaires en première instance, nécessitant des appels au fil du temps.
Les médecins ont été et sont encore face à un dilemme :
- d’un côté, s’ils signalent des suspicions de violences sexuelles ou physiques en appliquant l’article 226-14 du code pénal, ils risquent des poursuites disciplinaires, administratives, civiles ou/et pénales,
- et de l’autre, s’ils ne signalent rien et que les faits soient avérés par la suite, ils courent également le risque de poursuites pénales pour ne pas avoir signalé.
Ainsi malaise et peur se sont installés et perdurent depuis plus de 25 ans dans la profession :
- pour dépister l’origine de symptômes en posant des questions à des enfants sur de possibles violences sexuelles ou physiques,
- et pour signaler des suspicions de violences si des enfants en dévoilent et assurer une thérapie efficace de traumatismes si les violences continuent.
La Dr Catherine Bonnet et le Dr Jean-Louis Chabernaud ont, au fil des années, rencontré de très nombreux parlementaires afin de mettre un terme à ce dilemme et protéger leurs patients, des enfants afin qu’ils soient mis en sécurité dès le signalement ?
Dans une interview à la Revue du Praticien, Catherine Bonnet a invité ses collègues, en février 2017, à ne pas craindre cette obligation de signaler
Après de nombreuses tentatives de modification de l’article 226-14 du code pénalune victoire est remportée, le 5 juillet 2018, lors des débats sur le projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes au Sénat. En dépit du refus du gouvernement et du Président de la Commission des lois, deux amendements similaires sont défendus par le Sénateur Alain Milon, Président de la Commission des Affaires Sociales (Les Républicains) et par la Sénatrice Michèle Meunier, Vice-Présidente de la Commission des Affaires Sociales (Socialistes) puis soutenus par d’autres Sénatrices et Sénateurs.
Il est alors adopté dans l’article 226-14 du code pénal :
- une obligation de signaler les suspicions de toutes formes de violences envers les enfants pour tous les médecins,
- une protection du signalant de bonne foi contre toute action en responsabilité disciplinaire, administrative, civile et pénale ainsi que la confidentialité du signalant.
Le Sénat s’est inspiré de la « mandatory legislation » américaine adoptée en 1967 aux Etats-Unis, qui s’est étendue les années suivantes au Canada, en Australie et dans de très nombreux pays. Mais 15 jours plus tard la Commission mixte paritaire les supprime.De nouvelles tentatives d’amendements sont suivies de refus de les rétablir ce qui permettrait à tout médecin de poser des questions systématiques à chaque enfant ou adolescent sur de possibles violences sexuelles, physiques ou psychologiques et de les signaler au procureur de la République, sans craindre des poursuites et assurer ainsi la sécurité des enfants.
La CIIVISE a proposé le 31 mai 2022, dans ses conclusions intermédiaires et, le 20 novembre 2023, dans son rapport final, deux préconisations :
- « Clarifier l’obligation de signalement des enfants victimes de violences sexuelles par les médecins. »
- « Suspendre les poursuites disciplinaires à l’encontre des médecins protecteurs qui effectuent des signalements pendant la durée de l’enquête pénale pour violences sexuelles contre un enfant. »
De mars 1999 à mai 2024, la France s’étant opposée à treize tentatives de rétablissement de deux amendements de modifications de l’article 226-14 du code pénal, notamment de rétablir deux amendements adoptés du 5 au 23 juillet 2018, refusés 4 fois ensuite. Ils permettraient à tout médecin de dépister et signaler leurs suspicions de violences infligées à des enfants. La Dr Catherine Bonnet et le Dr Jean-Louis Chabernaud constatent que la France est encore avec l’Allemagne, la Belgique et le Royaume-Uni, l’un des derniers pays d’Europe à ne pas avoir encore introduit dans sa législation les deux amendements pertinents qui permettraient de véritablement de protéger les enfants.
Des questions persistent :
- Comment ne pas s’interroger sur ce retard français qui perdure au fil des années ?
- Comment est-il encore possible de laisser au médecin le choix de signaler ou pas ?
- Comment après avoir examiné un enfant, est-il possible de le laisser repartir après des révélations de violences sans les avoir signalées au procureur de la République, l’exposant aux risques d’être encore maltraité ?
Nous vous invitons à signer la pétition, ÇA SUFFIT ! Sauvons maintenant les mineurs victimes de violences sexuelles, de la Dr Catherine Bonnet et du Dr Jean-Louis Chabernaud, lancée le 31 mai 2019 et actuellement soutenue par près de 10 000signataires.