La question de l’imprescriptibilité abordée à l’assemblée.

Les représentants du peuple interpellent enfin le gouvernement au sujet de l’imprescriptibilité des violences sexuelles et de l’inceste sur les mineurs.

Il est déconcertant de constater qu’avant décembre 2023, aucune question, qu’elle soit écrite ou orale, n’avait été soulevée au sein de l’Assemblée nationale concernant l’imprescriptibilité des actes de violences sexuelles perpétrés sur des mineurs. Ce n’est qu’avec l’intervention de la députée Sandrine Rousseau le 21 décembre 2023 que cette problématique a finalement été abordée en séance plénière.

Depuis lors, dans un contexte médiatique propice et marqué par des tensions autour de cette question, d’autres députés ont pris la parole pour interpeller le gouvernement.

Les députés Aymeric Caron (FI – NUPES) et Nicolas Thierry (EELV-NUPES) ont tous deux exprimé leur soutien à la protection de l’enfance et à l’introduction de l’imprescriptibilité pour les délits de violence sexuelle à l’encontre des enfants.

Il est essentiel de rappeler, à ce stade, les chiffres alarmants : 160 000 enfants victimes chaque année de violences sexuelles perpétrées par des adultes, soit 3 enfants par minute.

Une politique de volte-face

Depuis que le juge Edouard Durand a été écarté de la présidence de la CIIVISE fin 2023, le gouvernement a surpris par sa prise de position, en désaccord avec les recommandations de la commission.

En effet, Charlotte Caubel, secrétaire d’État chargée de l’enfance, a décidé de nommer deux anciens membres démissionnaires de la CIIVISE présidée par le juge Durand, ces deux nouveaux président et vice-présidente, Sébastien Boueilh et Caroline Rey-Salmon, affichant des positions contradictoires avec les préconisations de la CIIVISE, notamment sur l’imprescriptibilité, ainsi que sur l’obligation des médecins de signaler les suspicions de maltraitance sur enfant.

La manière dont les institutions ont traité la CIIVISE a bouleversé le milieu associatif, ce dernier réclamant le retour du juge Durand à la présidence de la commission, qui à ses yeux est le mieux à même d’incarner et pérenniser la doctrine de la CIIVISE et de lui conserver la confiance des victimes.

Aujourd’hui, malgré un remaniement ministériel et la démission au bout d’à peine quelques jours de la nouvelle présidence nommée par l’ancienne secrétaire d’État Charlotte Caubel, notamment suite à un dépôt de plainte pour agression sexuelle dans le cadre de ses fonctions visant Caroline Rey-Salmon, des questions se posent sur l’attitude du gouvernement, notamment concernant l’imprescriptibilité des violences sexuelles commises sur les mineurs, qui fait partie des 82 préconisations du rapport de la CIIVISE.

Où en sommes-nous en ce qui concerne l’imprescriptibilité des violences sexuelles sur mineurs ?

Depuis août 2018, des progrès législatifs ont été réalisés sur ce front. Le délai de prescription pour les violences sexuelles sur mineurs est passé de 20 à 30 ans à partir de la majorité de la victime. Ainsi, une victime a la possibilité de porter plainte contre son agresseur jusqu’à l’âge de 48 ans.

Au-delà de cette limite, les faits peuvent être qualifiés mais ne feront pas l’objet d’un procès (et donc, éventuellement, d’une condamnation). Cependant, des cas très médiatisés actuellement, comme la plainte de Judith Godrèche, illustrent parfaitement la longue durée dont certaines victimes ont besoin pour comprendre leur histoire et réalisent ce qu’elles ont vécu.

À l’âge de 51 ans, les accusations portées par Judith Godrèche contre Benoit Jacquot sont désormais prescrites, malgré des preuves apparentes de relations sexuelles et d’une relation d’emprise entre un homme adulte et une jeune femme mineure au moment des faits.

De manière similaire, Coline Berry-Rojtman, qui bénéficie du soutien de Mouv’Enfants, notamment via l’action coup de poing organisée devant le théâtre de la Michodière à Paris lors d’une représentation de Richard Berry, le 3 février dernier, se voit confrontée à une plainte prescrite, malgré la véracité des faits allégués. Malheureusement, ces situations tragiques se répètent chaque jour.

L’imprescriptibilité étouffe la voix des victimes.

Dans le cadre de son travail, la CIIVISE a recueilli environ 30 000 témoignages de victimes ayant subi des violences sexuelles lorsqu’elles étaient mineures. L’une de leurs principales revendications est la mise en place de l’imprescriptibilité. Beaucoup de victimes ont avoué lors de leur témoignage que la prescription les avait réduites au silence, décourageant les démarches judiciaires : à quoi bon parler ou porter plainte si leur parole est prescrite et si une plainte ne peut aboutir ?

Mouv’Enfants se tient aux côtés des députés qui interpellent le gouvernement concernant la protection de l’enfance.

Mouv’Enfants exprime donc son soutien aux députés qui interpellent le gouvernement concernant la protection de l’enfance. Nous saluons l’initiative des députés Sandrine Rousseau, Aymeric Caron et Nicolas Thierry d’être parmi les premiers à soulever cette question cruciale.

Nous attendons avec impatience la réponse du gouvernement et espérons une prise de position claire en faveur des victimes. Il est essentiel de reconnaître que les violences sexuelles contre les enfants ne sauraient être soumises à la prescription, au même titre que les crimes contre l’humanité, comme en témoigne cette tribune « Pour l’imprescriptibilité des crimes sexuels sur mineur.es » dans le Huffington Post le 13 novembre 2023 .

Les chiffres alarmants notamment sur la montée de la cyberpédocriminalité en ligne ( rapport Europol 2020), montrent  l’urgence d’agir pour renforcer la protection des mineurs et garantir la justice pour les victimes.