Triste Tigre : Dans ce texte, tout respire la nécessité. Nécessité d’écrire, de comprendre, décortiquer, analyser l’inceste subi. Urgence de poser des mots, mettre en perspective, structurer le réel. Sonder l’irracontable. Dilater la pulsion de vie. Assiéger la répulsion du mal.
Sous une plume qui scrute et classifie, nos yeux peuvent sembler malmenés, mais Neige insiste : il faut nommer les choses pour contrer le déni. Ce qui est juste.
Alors Neige nomme. Sans établir la liste des violences sexuelles endurées. Elle épargne – la plupart du temps – son lecteur et nomme avec, à chaque fois, un point d’ancrage et d’analyse. Comme si elle disséquait ce qui était arrivé à Neige enfant. Elle extrait de la matière, confronte les points de vue et les personnes, ainsi que la société, à son histoire, qui ne relève pas de l’ordre privé, nous dit-elle, mais de l’ordre public. Chiffres à la clé.
Si elle est là, qu’elle peut témoigner, alors elle doit le faire. À travers une vision intimiste et argumentée. Inspirée même.
Neige Sinno 2023 © Helene Bamberger
Triste Tigre est un livre qui se lit vite. Que l’on doit parfois poser pour respirer. Et je ne peux m’empêcher, comme elle, de me dire que si elle est ici, capable de nous offrir un texte aussi important et travaillé, qui est le résultat de sept années de calvaire, d’au moins autant, sûrement le double, de reconstruction, et d’encore autant de temps de réflexion, si elle a réussi à comparer l’inceste avec des violences systémiques humaines, étudiées de part et d’autre en littérature, nous pouvons nous estimer chanceux.
La petite Neige, elle, n’a pas eu de chance. Non, la littérature ne la sauvera pas. Pourtant, cette femme nous livre un texte aussi bouleversant que brillant, permettant de saisir une des faces cachées des violences intrafamiliales : le discours de l’agresseur.
Extraits :
« Car à moi aussi, au fond, ce qui me semble le plus intéressant c’est ce qui se passe dans la tête du bourreau. »
« Il me disait qu’il m’aimait. Il disait que c’est pour pouvoir exprimer cet amour qu’il me faisait ce qu’il me faisait. »
Chronique de Julie, membre Mouv’Enfants
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